Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
PRG Cergy
Archives
12 avril 2006

L'Italie doit repartir de l'avant, par Romano Prodi

LE MONDE | 12.04.06 | 10h50  •  Mis à jour le 12.04.06 | 10h50

près avoir connu un gouvernement débordant d'activité médiatique mais dénué de tout dessein politique, l'Italie doit repartir de l'avant. Son rôle et sa contribution en termes de politique étrangère doivent être relancés avec fermeté et réalisme si elle souhaite tenir son rang et éviter de se retrouver isolée vis-à-vis des participants aux affaires du monde, comme cela s'est produit par exemple pour les consultations du sommet de Berlin sur l'Iran entre les Etats-Unis, la Russie, la Chine et les trois pays de l'UE qui ont initié les négociations avec Téhéran. Mon programme de politique étrangère, dont l'objectif est de restaurer la participation active de l'Italie dans les affaires mondiales, est fondé sur trois principes : une Europe forte et unie, une alliance solide avec les Etats-Unis et une ouverture sur les problèmes du globe, notamment les crises qui constituent des menaces pour l'ensemble d'entre nous, avec une approche multilatérale concertée.


Au carrefour de la sécurité européenne et atlantique, l'Italie se trouve dans une position qui explique le remarquable potentiel d'influence politique et diplomatique dont nous avons traditionnellement fait usage. Néanmoins, nous nous méprendrions en pensant que nous pouvons boxer au-dessus de notre catégorie : l'Italie est une puissance européenne de moyenne envergure dans la zone méditerranéenne, située sur un arc d'instabilité allant de l'Afrique du Nord au Moyen-Orient et à l'Asie centrale, en passant par les Balkans. La tradition politique de ces cinquante dernières années autant que les défis lancés à notre sécurité et à notre prospérité requièrent donc une politique étrangère fondée sur la coopération internationale.

En ce sens, le principe essentiel de la politique étrangère que je propose aux Italiens sera d'établir un lien entre le processus d'intégration politique de l'Europe et la solide relation de confiance que nous entretenons avec nos alliés américains. En tant que puissance européenne importante, le poids et le rôle de l'Italie résident avant tout dans sa capacité à participer à l'élaboration des politiques de l'Europe ; d'autre part, en tant qu'allié solide dans la communauté atlantique des nations, l'Italie peut contribuer à formuler les décisions de l'Alliance.

Il va sans dire que, si elle se marginalisait vis-à-vis de l'Europe, l'Italie deviendrait un partenaire transatlantique bien moins efficace, tout comme un isolement vis-à-vis de l'Amérique ferait d'elle un franc-tireur ou un spectateur passif. Loin d'évoluer sur des plans différents, une Europe unie et l'Alliance atlantique se complètent. J'ai pour projet de consacrer toute mon énergie et les initiatives de mon gouvernement à l'élimination des tensions qui ont vu le jour entre Européens et avec nos alliés américains, tensions qui n'ont fait qu'amoindrir l'efficacité d'une communauté de valeurs partagées et d'intérêts communs.

Une Europe plus forte est nécessaire pour un partenariat transatlantique équilibré. Elle renforcerait la dimension politique de l'Alliance et adapterait son rôle aux défis d'aujourd'hui : les décisions prises ensemble seront ainsi mises en œuvre conjointement.

Aucun pays ne peut gérer seul les défis asymétriques de notre époque : les "deux piliers" de John Kennedy doivent tenir ensemble, étant donné qu'une Europe plus forte et plus unie est l'"allié indispensable", notamment à une époque où les nouveaux dangers pour la sécurité mondiale sont intrinsèquement transnationaux et nécessitent des solutions coordonnées. Je suis intimement convaincu que la paix et la stabilité à l'échelle mondiale requièrent un partenariat stratégique euro-américain fort, et pas seulement des coalitions ad hoc.

C'est pourquoi je pense que notre politique étrangère devrait être placée sous le signe du multilatéralisme. Seule la collaboration entre l'Europe, l'Alliance transatlantique, mais aussi les Nations unies et les institutions financières de Bretton Woods nous permettra de relever les défis de la pauvreté et de la maladie, des droits de l'homme, de l'instabilité et du totalitarisme. Le multilatéralisme est avant tout une méthode et un précis de règles partagées et appliquées, un pacte social international.

Le monde d'aujourd'hui, tout comme nos sociétés locales, se caractérise par une extraordinaire diversité. La résolution des grands problèmes mondiaux passe par un rassemblement des partenaires et par des négociations sur les pratiques et les règles communes prenant en compte les besoins et les aspirations de tous les participants de bonne foi. Ne pas relancer le multilatéralisme, ne pas l'adapter aux défis de notre temps nous ferait courir le risque de voir émerger d'ici vingt ans un nouvel équilibre multipolaire des puissances, avec des nations qui ne souhaiteront pas jouer selon des règles qu'elles n'auront pas contribué à créer. C'est là l'essence de la politique : l'art de trouver ensemble des solutions à des problèmes communs.

L'Italie ne cessera pas ses efforts. Au contraire, nous continuerons à participer, comme par le passé, aux missions multilatérales de maintien de la paix. Nous considérons que l'intervention en Irak était injuste et injustifiée : on n'a trouvé aucune arme de destruction massive, la légitimité multilatérale n'a jamais été sollicitée et, enfin, loin de contrer le terrorisme, la guerre n'a contribué qu'à l'exacerber. Nous retirerons nos troupes d'Irak en accord avant tout avec le gouvernement légitime de Bagdad et enverrons un contingent civil chargé d'aider à la reconstruction des infrastructures et des institutions irakiennes.

Le terrorisme ne peut pas être combattu uniquement par des moyens militaires : au contraire, c'est au niveau politique, social et économique, ainsi que selon des principes et des valeurs que nous devons l'affronter, particulièrement en prenant le contre-pied de l'aliénation et de la marginalisation des terroristes. Tout cela implique une stratégie à l'échelle mondiale contre le terrorisme, dans laquelle l'Europe doit jouer son rôle. A la sortie des élections, l'Italie est prête à tenir son rang.

Traduit de l'anglais par Manuel Benguigui


Romano Prodi est dirigeant de la coalition de centre-gauche et futur président du conseil italien.

Publicité
Commentaires
PRG Cergy
Publicité
Derniers commentaires
Publicité