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PRG Cergy
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13 octobre 2006

Privatisation de GDF

Jean-Michel Baylet, président du PRG et sénateur du Tarn-et-Garonne est intervenu au Sénat lors du débat sur l'énergie.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.

M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'énergie étant un secteur éminemment stratégique, nous sommes aujourd'hui saisis d'un projet de loi qui suscite beaucoup de passions. Celles-ci sont à la mesure des enjeux puisqu'il est question d'indépendance énergétique, de compétitivité économique et de gestion de l'environnement.

En effet, dans un contexte mondial où les ressources énergétiques sont très disputées en raison de l'augmentation constante de la demande, les tensions sur les marchés sont de plus en plus fréquentes.

La dépendance énergétique s'accroît d'autant plus que les fournisseurs s'organisent sous la forme de puissants monopoles.

En 2030, le taux de dépendance énergétique de l'Union européenne approchera les 70 %. S'agissant de notre pays, notre dépendance aux gaz russe et algérien est de plus en plus marquée et atteint aujourd'hui 41 %.

Compte tenu de la recomposition du paysage énergétique européen, et même mondial, nous devons faire des choix politiques et économiques qui permettent à la France de relever les nouveaux défis.

Le présent projet de loi est censé contribuer au renforcement des acteurs français de l'énergie. En effet, en théorie, il vise à concilier la sécurité de l'approvisionnement, la compétitivité de nos entreprises dans un marché libéralisé et le développement durable.

Monsieur le ministre, si nous souscrivons bien évidemment à ces trois objectifs, nous pouvons déplorer l'option choisie pour les atteindre, c'est-à-dire la fusion entre Suez et GDF. Ce choix est d'autant plus malvenu que le Parlement est également confronté à un problème de méthode.

Nous sommes entrés dans le processus législatif alors que les négociations se poursuivent entre la commissaire européenne en charge de la concurrence, le groupe Suez et GDF. Nous légiférerons « à l'aveuglette » parce que la privatisation de GDF, puisque c'est bien de cela dont il s'agit avant tout, est devenue une priorité pour le Gouvernement.

Alors que le débat concerne l'avenir d'un secteur vital, les députés ont examiné le projet de loi sans connaître la lettre de griefs de la Commission européenne, au motif que celle-ci contenait des informations commerciales confidentielles. Nos collègues ont légiféré sans savoir quels actifs seraient cédés par les deux entreprises concernées.

Les remèdes proposés par les deux groupes pour répondre au problème de concurrence commencent tout juste à être rendus publics. On nous demande finalement de signer un chèque en blanc pour les actionnaires, qui décideront in fine des conditions de la fusion.

Par ailleurs, en 2004, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de l'époque avait pris, au nom du Gouvernement, un engagement et celui-ci est inscrit dans la loi relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières. À cet égard, permettez-moi de mentionner à mon tour l'article 24 de cette loi, qui dispose ceci : « Électricité de France et Gaz de France sont transformés en sociétés dont l'Etat détient plus de 70 % du capital. »

Aujourd'hui, ce principe n'a plus de valeur. En effet, si le projet de loi est adopté, la participation de l'État au capital de GDF, qui est actuellement de 80 %, passera mécaniquement à 34 %. Quelle inconstance !

C'est donc dans ces conditions d'opacité et de total revirement que nous devons nous prononcer sur le projet de fusion.

Sur le fond, votre démarche suscite plusieurs interrogations.

Tout d'abord, est-on certain que la fusion entre Suez et GDF réponde à une logique industrielle ? Si la réponse est oui, cette opération permettra-t-elle de diminuer les tarifs et de préserver l'emploi ?

S'agissant des contours de la politique tarifaire, il n'est pas sûr que les consommateurs s'y retrouvent. Bien au contraire !

Depuis un an, les tarifs de gaz des usagers ont augmenté de 23 %. Comme nous le savons, dans le domaine énergétique, le seul jeu de la concurrence entre les grands groupes ne suffit pas à faire baisser les prix.

En effet, l'énergie est fournie au travers d'un réseau. Les choix en matière de production, de transport et de distribution sont donc également déterminants pour le calcul des tarifs.

Ensuite, avant l'arrivée sur le marché de nouveaux entrants, GDF et Suez se retrouveront en situation de monopole et auront donc une totale liberté pour imposer leurs tarifs.

Certes, les usagers pourront choisir entre les tarifs régulés et les tarifs libres. Mais, comme il est difficile d'anticiper l'évolution du marché, un tel choix n'est pas toujours aisé, surtout si les contrats à long terme sont remis en cause.

Comme nous le savons, les entreprises qui ont choisi le marché libre à partir de 2004 sont actuellement confrontées à une flambée des prix : la différence entre le prix réglementé et le prix libre est de 66 %.

Aujourd'hui, la création d'un tarif de retour illustre bien la difficulté de libéraliser totalement le secteur de l'énergie.

Un autre volet ne semble pas faire partie de vos préoccupations : quelles sont les garanties en termes d'emploi ? Les syndicats s'inquiètent légitimement des 20 000 suppressions de postes qui pourraient être la conséquence des cessions d'actifs demandées par Bruxelles. Monsieur le ministre, vous savez qu'un rapport sur ce sujet est en circulation. Nous avons besoin d'être éclairés sur ce point, car l'emploi est bien évidemment une question primordiale pour nous et, je l'espère, pour vous aussi.

Cette fusion représente aussi un risque pour EDF, qui va se retrouver face à un concurrent puissant. Complémentaires depuis 1946, EDF et GDF entreront en concurrence alors que ces entreprises sont toutes deux investies de missions de service public.

Monsieur le ministre, il faut bien le dire, la tentative d'OPA de l'italien Enel vous a donné un bon prétexte pour privatiser GDF. Vous dissimulez cette volonté en invoquant la sécurité de l'approvisionnement. Pourtant, rien dans ce projet de loi ne garantit cet objectif : hier, le danger c'était Enel, demain, ce pourra être Gazprom, qui rêve d'intégrer la production et la distribution de gaz en Europe.

M. Yves Coquelle. Absolument !

M. Jean-Michel Baylet. Pour balayer cette crainte d'OPA du géant russe, vous nous dites que l'État dispose aujourd'hui d'une minorité de blocage protégeant GDF d'une OPA. Mais, puisque vous êtes capable de faire passer la participation de l'État de plus de 70 % à un tiers, après avoir pourtant prétendu la graver dans le marbre, qu'en sera-il demain ? Vous savez qu'en dessous de ce seuil d'un tiers, il n'y a plus de minorité de blocage.

En définitive, votre projet de fusion ne présente que des risques dont les usagers feront les frais. Seuls les actionnaires de Suez seront les grands gagnants puisque le texte répond davantage à une logique financière qu'à une logique industrielle.

Mme Marie-France Beaufils. Tout à fait !

M. Jean-Michel Baylet. Une fusion entre GDF et Suez, c'est 4 % de marché en plus pour la France ; il n'y a donc pas de quoi bousculer le rapport de force avec les autres exploitants !

Il y a toujours eu un débat idéologique entre partisans des privatisations et partisans des nationalisations. Les radicaux de gauche ne sont pas hostiles par principe aux privatisations.

M. Robert Bret. Ils le sont moins qu'en 1946 !

M. Jean-Michel Baylet. Et nous savons que nos engagements européens nous obligent à ouvrir le capital des entreprises publiques. Pour autant, certains secteurs hautement stratégiques doivent demeurer sous contrôle de l'État. L'énergie est devenue indispensable dans nos sociétés. L'État doit donc conserver des responsabilités pour piloter la sécurité de l'approvisionnement et assurer un égal accès des consommateurs à l'énergie.

La maîtrise de la politique énergétique passe par la création d'un grand pôle public en France et non par le démantèlement de GDF. Parce que les fournisseurs sont constitués en gros monopoles, il est avant tout urgent de mener une réflexion à l'échelle européenne, sans oublier que la libre circulation de l'énergie obéit à des lois techniques et économiques spécifiques, peu compatibles avec une régulation par la seule concurrence.

On se souvient de l'exemple californien ! La libéralisation totale a fait monter les prix de 1 000 % et entraîné de graves dysfonctionnements. Dans ces conditions, brandir les privatisations comme réponse à la problématique de l'énergie est dangereux pour notre pays.

Parce qu'ils ne veulent pas hypothéquer l'avenir énergétique de la France, parce qu'ils ne veulent pas brader le service public et parce qu'ils ne veulent pas cautionner une opération purement financière, les radicaux de gauche voteront contre ce texte. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

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